par @Pingui-King
Contrairement à ce qu’on nous balance à tour de bras, dans ces soirées là, ton meilleur ami, c’est pas Sam. Ton meilleur ami, c’est le combo vodka pas chère/diluant quelconque mélangée de manière quasiment scientifique en proportion 75/25 %. Si, si. C’est ce nectar du pauvre qui sauvera ta soirée. La preuve dans la suite.
On a parcouru le chemin…
Tu sais que l’alcool sauvera ta soirée à peine franchi le seuil de ta porte, tes petits camarades au moins aussi imbibés que toi trainant de la patte dans ton sillage, comptant sur toi pour ouvrir la route. En temps normal, triste perspective que de jouer le chien d’aveugle. Tu n’as pas passé ton bac pour ça, nom de dieu ! Mais là, l’ami éthanol égaye ta route, la transformant en un truc à mi-chemin entre un niveau de Super Mario et un épisode de Batman. Une véritable aventure dans laquelle la mort t’attend à chaque coin de rue : qui peut se vanter d’être à l’abri, transformé en éponge, d’être écrasé par un automobiliste aussi ivre que toi, d’un coup perdu en passant devant un bar ou d’une simple bavure policière ? Le tout avec l’impression d’être embarqué dans un tour perpétuel de Space Mountain, ça laisse rêveur. Enfin toujours est-il que ce chemin, ces 500, 700 mètres parcourus avec tes amis hilares amorti déjà largement cet investissement de 14,50€ que tu as ingurgité en une heure.
Cette soirée va être un pur matin. Ou l’inverse.
Ça y est, tu es arrivé. L’Eldorado de ce qu’une fois dans une vie activement monotone, on qualifiera d’alcoolisme. Tu retrouves là d’autres connaissances, qui elles aussi ont décidé de taquiner l’éthanol ce soir. Accolades, embrassades, « T’as pas une clope ? Je te la rends demain. » Prends, camarade, ce soir je partage mon cancer avec toi, ça me fait plaisir. Une heure et demie du matin, tu as froid et il est peut-être temps de bouger et d’aller enflammer le dance-floor. Enfin, façon de parler, enflammer le dance-floor dans ces conditions entrainant une combustion collective qui ne serait pas sans rappeler les heures les plus sombres de notre Histoire.
Une fois acquitté de la modeste obole qui te permet d’entrer dans la soirée la plus VIP de tous les temps, du moins jusqu’à la prochaine, tu t’enquiers, plein de l’espoir qui t’habitait enfant quand tu pensais pouvoir attraper Mewtwo du premier coup avec une simple Pokéball, du prix de la bière. Comme ça, histoire de maintenir ton taux d’alcool dans le sang à un niveau à peu près constant. Et là, tu te dis que la 1664 est quand même drôlement cher, que de toute façon tu n’as plus rien sur toi et que si tu avais su, tu aurais repris un ou deux verres pour la route avant de quitter ton antre. Il est donc temps d’aller vous joindre, toi et ta bande, à la grande messe électronique tant attendue. Enfin, électronique… C’est bien parce que tu es dans un état plus que second que tu danses comme un Jay-Jay en herbe sur des musiques que tu aurais honte d’écouter en temps normal. De toute façon, tu n’as pas le choix. Il n’y a que ça et tous tes potes dansent aussi, ça le ferait pas d’aller t’asseoir tel le premier étron venu. Alors tu danses. Si tu ne sais pas danser, tu fais semblant de danser. Si tu penses que danser en boite ce n’est pas danser, tu es resté chez toi de toute façon.
Ça devient de plus en plus chaud, et de plus en plus glauque. Dans une grande communion de vapeurs d’alcool, de sueur et de salive, tu te retrouves coincé entre deux personnes que tu ne connais pas. Tu n’es pas agoraphobe, heureusement, mais ça ne va pas tarder. Et là, ô joie ! Il est deux heures et quart, et tu vois passer une connaissance, verre à la main. Verre que tu t’empresses de lui prendre des mains pour étancher ta soif. Après coup, tu te dis que partager la boisson du plus gros incubateur de maladies de ton cercle social n’était peut-être pas la plus brillante des idées, mais ce qui est fait est fait. Tes jambes te supportent à peine à présent, mais tu sens que ce soir est ton soir. Ce verre amoureusement partagé a fait sauter le peu de dignité et d’amour qui te restait, tu peux enfin partir en chasse. Hélas pauvre ami, la vie est dure et tes yeux torves ne sont pas là pour te faciliter la tâche et tu essuies les refus comme la femme de ménage de la boite essuiera vos saloperies le lendemain matin. De toute façon, tant mieux, car bientôt on aura besoin de toi. Oui, car bientôt arrive… la partie Ouin-Ouin de la soirée.
Car si de ton côté tu perds toute dignité (mais pas ton éventuel pucelage, scuz’), certains de tes petits camarades perdent tout sens de la mesure et de la retenue, et ce sont donc des torrents de larmes ou de sang (certaines soirées voient la réalisation de combos particulièrement impressionnants, surtout en cas de règles très douloureuses). Là, tu sais que la soirée est d’ores et déjà finie. Ton ivresse s’estompe petit à petit, tu ne danses pas et en plus il ne reste plus que des moches. Alors tu restes, à écouter, acquiescer, protester et consoler, en attendant surtout que tout le monde rentre pour pouvoir aller te pieuter aussi.
Et Pinocchio, il l’avait, la gueule de bois ?
C’est dur, très dur. Tu rentres chez toi en trainant des pieds. Dire que tu as mal à la tête est un euphémisme. Ah ça, l’alcool bon marché c’est violent. Efficace, mais violent. En fait, tu vis à retardement ce que tu aurais du vivre quatre heures plus tôt : le chemin de merde, déjà. Il y a des gens déchirés comme des drapeaux un soir de match de foot partout sur ton chemin. Et là tu t’aperçois que quand tu n’es pas comme eux, c’est vraiment pas drôle. À la limite du drame humain. Mais bon, tu relativises vite. Très vite même quand tu t’aperçois que tu es tout seul. Oui, encore, pauvre amour. Que veux-tu, il y a vraisemblablement un cap que personne n’ose vraiment franchir avec toi. Non pas que ça soit forcément de ta faute, que nenni. Mais c’est comme ça. Que les gens sont aveugles. Alors tu te rassures comme tu peux, mais ton état post-ivresse ne t’aide pas à te sentir vraiment mieux.
En y réfléchissant, tu te dis que de toute façon tu n’es pas fait pour ça, que ce n’est pas ton truc les soirées de ce genre. Qu’à la fin de la soirée tu te retrouves sans personne avec qui t’amuser, à peu près tout le monde étant, au choix, trop saoul ou bien occupé à de charmantes, mais parfois répréhensibles d’un point de vue moral et religieux, occupations. De toute manière, tu ne vas pas te forcer, si ? Alors finalement, tu te rentres chez toi, peut-être trop déprimé pour te coucher. Facebook, lecture d’un obscur blog, voir mise à jour de ton propre blog, écoute d’une musique un tantinet potable, que sais-je ? Tu reviens peu à peu à ta vie, la vraie, celle qui recommencera dès le lendemain matin quand tu retrouveras tes chers et peu fringants compagnons, hagards de tant d’alcool et peut-être de joies nocturnes. Et toi, tu te dis : « C’était la dernière fois, la prochaine je préfère encore aller au cinéma. » Belle résolution.
Jusqu’à la prochaine, où ton ami éthanol réussira à nouveau à te convaincre que ce soir, tout est possible.