Midi. Nous sommes plusieurs à faire la file devant son stand.
– C’est à qui ? Monsieur ?
– Oui, bonjour, je vais vous prendre un Bo Bun s’il vous plaît…
– Boeuf ou poulet ?
– Boeuf.
– Avec des cacahouètes ?
Elle me lance son sourire égrillard, elle sert les dents comme pour se retenir de rire.
– oui, s’il vous plaît…
– HIN HIN HIN cacahouètes HIN HIN HIN, c’est bon cacahouètes.
Tout le monde me regarde, l’air gêné.
Moi, j’ai l’habitude.
A chaque fois, c’est la même réaction. .
Mais les autres ne la ramènent pas trop.
Car je suis la victime mais très vite, ce seront eux les prochains.
Ils savent ce que ça leur coute de demander des cacahouètes.
Son rire sardonique qui remplit tout le marché.
Et pourquoi ? Mystère.
ça doit vouloir dire quelque chose en Vietnamien.
Un truc pas très bouddhiste, ma foi.
Quelque chose que ces cons d’Occidentaux ne sauront jamais.
Ce cacahouète a un goût de vengeance.
Une revanche sur la vie.
Vous voulez me brimer ? Cacahouète !
Alors, allez-y, demandez-en qu’elle s’en paye une bonne tranche.
Oui, mais aujourd’hui, ce sera sans moi.
– C’est à qui ? Monsieur bonjour…
– Oui, bonjour, je vais prendre un menu saté, s’il vous plaît.
Elle fronce les sourcils, l’instant est grave.
– Pas de Bo Bun ?
Résiste, prouve que tu existes.
– Non, pas de Bo Bun…. j’ai… J’ai décidé d’arrêter.
Elle tente de le cacher mais elle est déçue.
Mais je n’en pouvais plus.
Avec moi, fini la poilade.
Terminée la déconne.
Je vais lancer un mouvement, créer une émulsion.
Que tout le monde fasse comme moi.
Plus jamais de cacahouètes.
Son Bo Bun a fait trop de victimes.
– Et avec ça, je vais prendre des Nems aussi…
Elle retrouve un peu le sourire. Pas de quoi s’esclaffer mais bon.
– Vous voulez sauce piquante ?
– Heu… Oui, pourquoi pas…
– HIN HIN HIN sauce piquante HIN HIN HIN c’est bon sauce piquante.
Je suis battu dans mon combat.
Il y a trop d’insultes vietnamiennes dans chaque plat.
Rassures toi, pour pratique le vietnamien tous les jours, ils rigolent juste pour rien. Rien avoir avec une insulte a mon avis. Ou alors c’est a connotation sexuelle pour elle « cacahouettes » et « sauce piquante ». Et la c’est un rire nerveux.
Je crois bien que c’est un rire nerveux. Mais un rire nerveux permanent. C’est ce qui m’inquiète.
C’est vrai qu’à la fin ça devient casse-pieds ce genre de comportement…
Casse pied, casse pied, comme tu y vas (comme vous y allez ?). C’est juste tout à fait emmerdant quand on aime le sérieux et la discipline et…
Non en fait, je crois que j’aime autant le rire du dragon que le sourire de la crèmière. Sans elles, je n’aurais rien à écrire et j’en serais bien penaud.
Ah Ah Ah…HIN HIN HIN cet article me plaît, et quant à mon expérience, je suis tombée l’autre jour sur une serveuse (chinoise ? vietnamienne ?) qui ressemblait fort à ça, sauf qu’elle n’avait plus les nems crevettes que j’avais commandé, du coup trop de bol, elle m’a refilé des samoussas gratos, plus une boisson gratos pour mon fils, tiens je devrais y refaire un petit tour ce soir…je l’adore cette femme.
Moi aussi, j’adore les femmes (et les nems aux crevettes). Tout ça pour dire que… ben.. non, en fait, c’était gratuit. 🙂