Moi, nue, déconnectée

Vous en avez l’intuition et vous avez raison. Aujourd’hui, l’empreinte numérique prend le relais de nos existences réelles. D’où cette question : quelle femme serais-je devenue sans Internet, mon nouvel amant à l’e-penis turgescent ?

1.    D’abord, je n’aurais pas connu le point Godwin et m’en serais tenue à l’entretien de mon point G. J’aurais ironisé sur les « méthodes fascistes » de Médiapart. Comme Alain Minc, je me serais gargarisée du passé « allemand » de Benoît XVI. Tout cela sans aucun recul, au risque de banaliser le IIIème Reich.

2.   Je serais aujourd’hui une mère de famille rangée. Matin, midi et soir, je préparerais des repas maison à mon fils. J’attendrais avec impatience le retour de mon compagnon, tous les soirs à 20h, à l’heure où la France a peur. Puis nous nous adonnerions à la grand messe du JT. Non sans remarquer qu’il y a bien plus malheureux que nous, nous nous coucherions, rassurés.

3.   Je voterais PS, mais hésiterais à donner ma voix à la droite, considérant que l’UMP est victime d’une certaine gauche. Et que son discours est finalement plus orienté vers l’avenir que celui de l’opposition sclérosée dans l’anti. N’ayant pas eu connaissance de Benjamin Lancar et de son iRiposte un peu ridicule, je ne comprendrais pas les caricatures amusantes de certains (parfois un peu trop bien-pensantes, cependant).

4.   Curieuse, je multiplierais les lectures de magazines news : des Inrocks au Point, en passant par Télérama. Je dévorerais tout Houellebecq, pour sa belle analyse de l’air du temps. Je filerais à la Cinémathèque régulièrement et ferais fonctionner mon lecteur de DVD plus souvent. J’y insèrerais des films classiques, sûrs témoins de l’essence de notre humanité, par-delà ses avatars temporels. Je vouerais un culte à Fellini et surtout à Mastroianni dans les films de Fellini. Il apparaîtrait fréquemment dans mes rêves avec son regard pénétrant.

5.   Ma vie de pigiste serait morne. Je repasserais invariablement des chemises, en attendant de travailler un petit peu. A mes heures perdues, je ferais des mots fléchés et peut-être même du sudoku.

6.   Après les lectures de Stanislas Grof ou du Dr Janine Fontaine, je me dirais que nous avons des raisons d’espérer. Que nous ne sommes pas des monades « sans portes, ni fenêtres », telles que les décrit Leibniz. Qu’il y a une formidable énergie qui circule dans toute la matière et qui trouve sa quintessence dans l’homme. Je n’aurais pas découvert 4chan, le lulz et Twitter. Mais je n’aurais pas compris non plus que ces aires de liberté sont compatibles avec ma Weltanschauung.

7.   Je serais partie à l’étranger. J’aurais ouvert mon esprit pour éviter la seule considération de nos problèmes français. Et plus largement j’aurais combattu mon égotisme.

8.   Ou bien, la télévision serait devenue ma drogue. J’aurais zappé pour conjurer le temps qui passe.

9.   Ou bien, je me serais engagée dans des associations à côté chez moi, pour changer les choses en vrai.

Avec Internet, rassurez-vous (ou jugez-moi, c’est à vous de voir), je ne suis pas vraiment différente de ce que je viens de vous décrire. Je suis simplement « reconfigurée », comme dirait Antonio A. Casili, dans Les Liaisons numériques parues au Seuil. Je vis dans ce « double habitat » que décrit le sociologue chercheur au centre Edgar Morin de l’EHESS de Paris. Ma vie réelle est nourrie par mes découvertes virtuelles. Toute cette mélodie s’orchestre à merveille, même s’il y a parfois des fausses notes. J’ai moins de temps pour vivre « en vrai », mais cette existence en mode tinyurl  est bien plus intense et aboutie qu’elle ne le serait sans connexions.

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1.03.01
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2 commentaires

  1. Toujours penser à copier ton envoi avant de cliquer sur « Poster le commentaire » sans avoir recopié le code CAPTCHA…
    Un commentaire de 3 km de long, inspiré, 30 minutes de bonheur que je voulais offrir à l’internet, psychothérapie weltanschauungiène de mon double habitat et de mes fantasmes d’homme au foyer nu et connecté, compagnon d’une riche et ambitieuse bonne pigiste… Tout ça, tout ce bonheur effacé en un clic !!! Et ce malheur découvert au détour d’une flèche bleue de retour en arrière qui m’a percé le cœur… Oui, moi @SuperTwitto, je me suis fait avoir comme un sudoku raté par ces fichus codes égoïstes de mon unique monde: internet, sans lequel je connaitrais certainement l’expérience du néant. Tant pis SuperTwitto ! Reprend ton rêve là où tu l’avais laissé… Joue de ton clic droit illico… Garde ces caractères effacés sans mémoire comme un signe inabouti de ton existence en mode tinyurl.
    Embrasse l’auteur avant de partir quand même…

    @SuperTwitto

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