Matin, devant la machine à café
– Un cappuccino comme d’habitude ?
– Euh, non, un café long pour changer…
– Un café long ? C’est pas la grande forme ?
– Pfff… Si… Non… Toujours le même problème, en fait…
– Ah, ça ne s’est pas arrangé alors.
– Non. On peut même dire que ça empire…
– Tu lui en as parlé ?
– Qu’est-ce que tu veux que je lui dise ?
– Je sais pas… Tu sais parfois, il suffit de quelques mots pour…
– On n’en est plus là. Je rentre, elle me dit plus bonjour. Ou alors c’est froid, comme si je l’a gênait. Je l’entends parler dans mon dos, elle chuchote, elle rigole, comme si elle se foutait de moi. Et tous les jours des remarques…. Si au moins, elle faisait bien son travail…
– C’est peut-être un rien de fatigue. Souvent, dans les vieux couples…
– Je ne sais pas. C’est comme si elle en avait marre de moi. Pourtant, je n’ai rien fait. Je… je suis comme d’habitude quoi…
– C’est peut-être là, le problème…
– Tiens, la dernière fois, j’ai fait la plonge pour la décharger. J’ai cru que ça lui ferait plaisir. Tu parles. Elle a pris ça pour du mépris…
– Pourtant au début, ça allait bien, non ?
– C’était génial même. Elle était gentille, elle avait toujours un compliment. Elle était enthousiaste. On s’amusait bien, on rigolait tout le temps. Et puis, elle s’appliquait. Je veux dire, c’était propre. Alors que maintenant, elle ne fait plus d’effort.
– Elle se reprendra…
– Je ne sais pas. J’ai l’impression que c’est plus profond. Après quelques mois, on rigolait moins. On se parlait plus. vraiment.. J’aurais pu supporter la routine, ce n’est pas un problème, s’il y avait pas eu les remarques…
– Les remarques ?
– Comme quoi, je mangeais toujours la même chose, que j’étais toujours seul, qu’à part moi, elle ne connaissait personne.
– C’est ridicule…
– C’est ridicule, oui. Chaque jour, une remarque. C’est monté, c’est monté, et puis on s’est engueulé. ça a pété et depuis, c’est la guerre sourde.
– Si je peux me permettre : pourquoi ne pas en changer ?
– J’y ai pensé bien sûr. J’en ai vu d’autres. Des plus belles. Avec de l’humour en plus. Et pas hors de prix. Après, je rentre chez moi, je tombe sur elle qui me dit que je rentre tard….
– Il suffirait de l’abandonner…
– Ce n’est pas mon genre. Et puis, on a une histoire ensemble. J’ai de l’affection pour elle… Elle va m’en voudrait en plus…
– Peut-être qu’elle ne demande que ça.
– Je ne crois pas que finir sur une décharge…
– Peut-être pas une décharge, peut-être chez quelqu’un simplement. Quelqu’un de moins riche. Elle serait en seconde main.
– Mouais. Je sais pas.
– Tu sais, les objets sentent quand il est temps de partir. Il suffit de les mettre à la porte et d’en changer.
– Elle n’est pas vraiment un objet, elle..
– Elle est une machine à laver la vaisselle. Arrête de te mentir.
– Oui m’enfin c’est plus com…
– Pas de sentimentalisme. Elle a fait son temps, elle s’est aigrie. Elle ne fait même plus son travail.
– Oui… Mais on s’entendait bien…
– Prends-en une nouvelle, tu t’entendras mieux. Et puis, c’est la loi naturelle. Les machines ont un cycle, elles sont programmées pour être changées… Si ça se trouve, ses humeurs, c’est un signe…
– Un signe ?
– Signe qu’il est temps d’en changer… Tu sais, ses émotions ont une durée de vie.
– Mon grand-père disait qu’avant les machines n’avaient pas d’émotion, qu’on s’emmerdait moins, sans vouloir te vexer.
– Je ne me sens nullement…
– En même temps, on y fait plus attention… Bref, je sais pas. Je vais voir. En tout cas, ça m’a fait du bien de discuter. Et merci pour le café. Il est excellent.
– Merci.
– L’ancienne machine faisait du jus de chaussette, c’était dégueulasse… Je suis content qu’il l’ait changé.
– N’oublie pas ta monnaie… et passe une bonne journée.
– Merci…
– Client suivant… Tiens, salut Jean Pierre, un court sans sucre, comme d’habitude ?
A suivre jusqu’à la fin de validité…
Un commentaire