Tribulations connasses !

 

On est jeune, on est beau, on a le rythme dans la peau, mais on s’emmerde. Alors un soir, avec ma bande de potes (on est plein, mais là on n’est que trois), on décide de faire la fête à Marseille. Ce qui tombe bien dans nos vies de petits cons, c’est que Théo a un appart près du Vieux-Port.

On descend de Lyon, on prend nos lunettes de soleil, on est chauvin et on emmerde le monde. Les sunglasses, c’est pour masquer nos yeux défoncés. Autre leçon digne des pages de l’académie GQ du mois dernier : la languette des Stan Smith noires ne dépasse du pantalon qu’à une seule jambe. Le Scruffy Style, ça ne s’invente pas.

On arrive sur la Canebière sans programme – les meilleures soirées s’inventent sur le tas. Le fuckfriend de Zora (elle est rousse et russe ; il porte le nom de code Tournicoton) lui envoie un sms. Il sait que le gang est dans sa ville natale (on fait peur, avec nos lunettes, c’est pour ça qu’on s’appelle le gang), il nous invite dans « un bar avec un tas d’Erasmus » ! Chouette, depuis que je ne fais plus dans la française, je vais être servi. Rendez-vous donné à l’Équitable.

— Théo, tu sais où c’est ? — Non.

On est bien parti ! L’autre ne connait même pas sa nouvelle ville. “Cours Ju”, nous texte Tournicoton. On se met en chemin, on claque des doigts au son des jukeboxes, on se perd, on demande notre chemin dans un kebab.

— Tu vois les marches ? nous sort la serveuse avec un accent à couper au couteau. Bah, tu les montes, tu tournes à gauche, et t’y es.

On se marre. Est-ce qu’on est déjà bourré ? On a fini la bouteille de rhum-pêche avec un zeste de citron vert, on a planqué la bouteille de rhum banane. Les cocktails de Zora sont les meilleurs. À l’Équitable, le bar est sur le point de fermer. Il est minuit et demi. Ce hippie de serveur aux cheveux longs refuse de nous servir. On lui dit que son bar est nul, on veut une autre adresse. Il nous demande de sortir. On patiente dans la rue, comme des loosers, en attendant que Tournicoton rassemble sa meute tchèque. Et là, coup de théâtre : le sextoy est accompagné de sa régulière. C’est un putain d’uppercut pour Zora, le gang encaisse le choc (pour se venger, Zora fera un peu plus tard du rentre-dedans à un inconnu, lequel sera fusillé sur la place publique par sa copine deux minutes plus tard – horrible méprise).

Les Tchèques nous entrainent au Petit Nice. On discute, ou plutôt, on se fout de la gueule de Tournicoton. Il le remarque et nous jalouse, Théo et moi. On t’emmerde, on n’a rien à voir avec toi, petite bite ! Le serveur se pointe enfin, on commande nos pichets de bière. Il nous montre un truc magique avec le billet, il le fait claquer dans ses doigts. Ouais, on est déjà bien bourrés. On voit bien qu’on l’emmerde : il ne veut pas nous apprendre son truc du fouettage de billet, il ne veut pas nous embaucher pour l’aider en terrasse même si elle est noire de monde, il ne veut pas me rendre mon billet de cinquante.

Tournicoton finit par nous saouler aussi. Il la joue private joke avec Zora, sans savoir qu’elle nous a déjà raconté toute sa sexlife. Sa vie à lui n’a rien d’intéressant. Encore un qui ne sait pas quoi faire de ses études. Devant des allusions très mal placées de la part de Tournicoton, on se rend compte que sa régulière ne pige rien à la scène qui se déroule sous ses yeux. On décide de lui éviter le pire – une histoire de laverie automatique : on se tire.

Sur le chemin, un type se moque de ma languette qui dépasse. Il a les cheveux gras et doit passer ses journées à écouter du métal commercial. Je le regarde avec trente centimètres de plus.

— T’as vu comment t’es sapé ? Et c’est à moi que tu veux donner des leçons de style ?

Le Clodo Style, ça ne s’apprend pas. Pour lui, c’est inné.

Un peu plus loin, dans notre descente vers le port, on se fait doubler par des skateurs. On crie, ils tombent. On se marre. Les skateurs sont cons, ou autant déchirés que nous. Ils remontent sur leurs planches, on crie de nouveau, ils retombent. Les skateurs sont cons.

On veut danser. Théo nous guide au TrolleyBus, discothèque sur le Vieux-Port. Les lieux sont vides. La musique est naze. Le DJ semble être resté coincé dans l’électro des années 2000. On ressort, accompagné par une espèce de faux remix d’Aqua. Il fait froid. On essaye de s’incruster dans une soirée, au fond de la ruelle d’à côté, chez un type qu’on ne connait ni d’Ève ni d’Adam. Est-ce à cause de nos timbres de voix embourbés dans l’alcool ou de celle des quatre mecs qui nous collent depuis le TroplaidBus ? On se fait refouler par le locataire. Lui qui n’est pas marseillais, lui qui n’est même pas français. Aucun sens de l’hospitalité. Il est cinq heures. On est usé, mais on est bien, on rentre plein. Il nous faut deux heures de plus pour retrouver l’appart, à moins d’un kilomètre de là.

Avant de sombrer au pays de Morphée, on se dit que Marseille, c’est vraiment des soirées de merde. Le lendemain, pour rire, on invente le Code. Et on se dit qu’on a passé une soirée tarpin bien !

Code de Bonne Conduite en Soirée :

Règle n°1 : Se foutre de la gueule des locaux. (+5 pts.)
Règle n°2 : Se permettre toutes les allusions sexuelles. (+2 pts)
Règle n°3 : Briser les couples de manière éhontée. (+ 15 pts.)
Règle n°4 : Faire tomber les skateurs. (+3 pts.)
Règle n°5 : Dire au Barman : « Où est-ce qu’on peut sortir ? Ici, c’est nul. » (+2 pts.)
Règle n°6 : Décrocher un job de serveur pour la soirée. (+50 pts.)
Règle n°7 : S’incruster dans une soirée privée. (+30 pts.)
Règle n°8 : User du dialecte local à outrance. (+1 pt.)
Règle n°9 : Se taper avec un anglais bourré. (+15 pts.)

3 commentaires

  1. Non non, ca reste très amusant, mais il avoir l’habitude de la souffrance des soirées galères et des bons souvenirs qui en ressorte. C’est un peu private joke, comme article.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*