J’avais lu « rendez-vous Porte Maillot » sur le site internet de Solidays, alors je m’y suis rendu en faisant en sorte d’arriver pour 19h, soit l’heure où Didier Wampas doit d’après Twitter entrer en scène. Mais non, évidemment, porte Maillot, ce n’étaient que des navettes nous conduisant à l’hippodrome de Longchamp. Alors j’ai pris la navette et suis arrivé à la bourre. Dans la navette, il y avait des filles qui s’embrassaient à côté de moi, sans complexe, sans gêne. J’ai trouvé ça chouette, puis assez gênant lorsque la durée du baiser de plus en plus fougueux excéda les 15 minutes. Surtout qu’elles se frottaient un peu à moi, promiscuité aidant. Les gens les mataient, et donc me mataient également, pensant, je pense, que je faisais officiellement partie de la fête. Et l’on était coincés dans des embouteillages de MERDE, l’hippodrome n’arrivait pas.
Le bus nous dépose à proximité du bois de Boulogne, et la musique de commencer à se faire entendre. C’est Didier Wampas qui gueule, je le reconnais. Je rallie l’entrée en courant.
Au début, j’ai pensé que la couleur des bracelets correspondait à la MST contractée, mais en fait apparemment non. Du moins je l’espère, parce qu’on m’en a mis deux, des bracelets. Un jaune pour le pass 3 jours, un rose pour le VIP, c’est ce prétexte qui me pose plus de souci et me laisse à penser que peut-être je vais bientôt mourir.
On essaie de me vendre des programmes de concerts, je suis trop pressé pour refuser, un troupeau de 300 personnes me suit donc avec des trucs à vendre tandis que j’arrive au chapiteau où Didier Wampas a toujours sa chemise. Donc ça va. C’est loin d’être plein, et les gens sont plutôt mous du genou. On dansote, même si Didier donne tout, jamais avare en énergie. J’ai de l’empathie pour le mec dont le métier doit être « chargé des fils de micro » avec Didier, un type qui a sûrement fait un « BTS noeuds ». Il donne tout pour que la starlette puisse aller faire le con parmi les spectateurs avec son micro à fil, se jeter dans la foule ou encore encercler ses musiciens. Les gens ne connaissent pas trop les chansons, mais la sauce prend au fur et à mesure que le concert avance, et le point d’orgue, l’excellent « Cadillac », est un beau moment de festival où ta mère aurait certainement pris son pied et se serait désapée comme Didier et une bonne partie de la salle. Torse nu, éreinté, il salue la foule conquise. Ce soir, pour lui, c’était un Grand Soir de plus.
Je n’ai pas de programme et c’est la merde. Je n’ai pas de réseau et c’est la merde. Sofiane, mon pote est apparemment à la bourre, c’est moi qui ai sa place, c’est la merde. Miracle, mon téléphone semble sonner :
– Ouais Dzibz ?
– Ouais Sofiane, t’es où ?
– Bah… Je… encore… à… pour… des…
– Putain j’entends un mot sur deux et ce ne sont pas les bons, sélectionne mieux.
– Suis… Rouen… boulot… 21h… C’est où ?
– Hippodrome de Longchamp
– Je… le…
– Oui, t’as raison, c’est plus prudent.
J’apprends vite à parler le « pas de réseau ». Là par exemple, il me disait qu’il allait prendre le GPS.
Je trouve un groupe de gens qui ont des programmes, et me frotte à eux, pour essayer de voir la programmation. C’est écrit en tout petit, c’est des bâtards à Solidays, alors je m’approche encore et chope a priori toutes les MST du petit groupe. Mais je lis également qu’à cette heure-ci, y a Bénabar sur la grande scène et un groupe que je connais pas sur la petite. Alors je file à la grande, pour le kif.
Inexplicablement, je connais toutes les chansons par coeur, et j’adore les détester et les gueuler dans la fosse. Sur scène, le glandu gominé est accompagné de deux bombasses africaines avec qui il fait quelques petits sketches pas très drôles. Son succès est loin maintenant, et je me souviens mon père me dire, lorsque Bénabar était au top : « tu verras, il finira comme Patrick Sébastien. » Bah t’as pas eu tort, Dude. Dans la fosse, il y a une meuf motivée, elle a un drapeau breton et hurle à chaque fois que Bénabar demande d’hurler. On discerne alors bien sa voix, à la Bretonne, signe que bon, Bénabar, t’as plus qu’à croiser le doigts pour que Patrick Sébastien claque fissa.
Toujours pas de programme, alors je vais à la boutique pour faire semblant d’être très intéressé par l’achat d’un desdits programmes. Je le feuillette, lis qu’Orelsan est dans le « Dôme » et me barre rapidos l’y rejoindre.
Ca n’est pas encore commencé, le dôme est blindé et chauffé à blanc. Moi j’aime bien Orelsan, sur CD, et je suis persuadé que sur scène, c’est de la merde. J’en parle à mon voisin qui me répond : « brlgrlbrglrrgblgrl ». Je ne le capte pas beaucoup plus que Sofiane, putain Sofiane, il est où lui, déjà ?
– Salut, t’es où ?
– Rouen… seulement...
Putain, il est vraiment lent ce mec. Orelsan arrive sur scène habillé en Lambert Wilson dans Des Hommes et des Dieux. Et comme Lambert, il se met à chanter. Avec un peu plus de gros mots. LEVE TON VERRE, LEVE TON VERRE, LEVE TON VERRE, SANTÉ ! Le public gueule les paroles et moi aussi. Je suis tout foufou, je vais passer une heure exceptionnelle, un putain de kif de concert de rap, quoi. Chanter chaque refrain avec le père Orelsan et la foule en délire, rire de ses conneries d’entre-deux-chansons, de sa provoc bien contextualisée sur Suicide Social : « Ces Parisiens jamais content, à peine intelligents », puis « Adieu les associations bien-pensantes, ces dictateurs de la bonne conscience », attirant à chaque fois les sifflets amusés du peu de gens qui comprennent et écoutent ses paroles. Personne ne danse pas, personne ne chante pas, c’est en ce sens, j’ai pensé, l’artiste idéal de festival, fédérateur, un tantinet provocateur, généreux et talentueux.
Au sortir du concert, sourire aux lèvres, j’ai une heure de merde qui m’attend. Selah Sue sur la grande scène fait des bruits bizarres avec sa bouche tandis que des jeunôts squattent la petite scène, avec a priori pour seul public leur classe de BTS musique. Je profite de l’instant pour aller manger. A l’arrière du festival, plein de stands de bouffe du monde. A chaque stand un pays. Et le Liban attire énormément. Le Japon est également bien placé, tandis que l’Ethiopie craque complètement, il n’y a pour ainsi dire, personne. J’opte donc tout naturellement pour l’Ethiopie, me disant que ça ne pourrait pas me faire de mal en vue des 10km L’Equipe que je cours ce dimanche à Paris putain-j’ai-oublié-de-m’entraîner. Alors je bouffe en gros du riz avec du pain, enviant les Libanais dont la bouffe sent si bon. Appelle-moi Kenenisa Bekele.
Sofiane doit arriver avant 23h, heure de Metronomy. Sinon je le bute.
– T’en es où ?
– …Minutes…
– Redis-le ?
– 10…
Je sors vite, et vais patienter en tapant du pied. 22h58, le téléphone sonne, je sens l’embrouille mais je capte bien, cette fois.
– T’es où bâtard ?!
– J’ai merdé, je suis à Longchamp mais a priori pas le bon, y a que des vieux et des vaches.
– Putain.
J’ai raccroché et couru vers Metronomy. Et en passant, j’ai vu Concret Knives jouer, un de mes autres groupes préférés. Dilemme. La technique parfaite, se mettre à égale distance entre les deux scènes. Et l’oreille droite de profiter de Metronomy, tandis que la gauche écoute Concret Knives.
Je suis un génie, en plein dans le passage. On me piétine, certes, mais moi, au moins, je profite du festival.
Les génies de Metronomy sont bien brouillons, ce soir. Les instruments déconnent, l’impro tombe à plat, et malgré l’avalanche de tubes, je reste sur ma faim, alors au fur et à mesure que les concerts avancent, je me rapproche de Concret Knives, dans un cadre plus confidentiel, mais tout de même de plus en plus fourni (la faute de Metronomy ?). Je n’en vois entièrement que le dernier quart d’heure, mais putain elle envoie la meuf. Je maugrée et regrette ne pas en avoir vu plus.
Minuit, c’est l’heure de rencontrer des gens. Je trinque donc avec des gens qui me font des free hugs, et fais à chaque fois la même blague : « t’as mis une capote, hein ?! ». Je pense qu’ils rient pour me faire plaisir, mais je les emmerde. Birdy Nam Nam, c’est toujours pareil, efficace, mais un peu redondant. Et sérieux, ces mecs, ils sont partout, quoi. Et puis après, je vois des sets electro plutôt mauvais (j’ai pas les noms) et mon téléphone n’a plus de batterie. Une pensée à Sofiane, qui doit danser avec les vaches.
5h, le bus, les gens bourrés qui vomissent par les fenêtres, Saint-Lazare, tout ce joli monde qui s’étreint pour se séparer, une larmichette de mec bourré. Une bonne nuit par là-dessus, et on remet ça demain. Vous avez la prog ?