La dernière gorgée de vodka et autres plaisirs minuscules qui dégénèrent.

Ou l'expression d'un sentiment assez désagréable.

 

Tu connais ces tous premiers matins de printemps avec du vrai soleil dedans qui réchauffe tes vieux os ? Pendant que l’eau de ton thé bout, tu ouvres grand toutes les fenêtres, le coeur tout guilleret et la joie de (re)vivre en émoi. « It’s a new dawn, it’s a new day, it’s a new life for me and i’m feeling good. » susurre Nina, au creux de ton oreille. Partir travailler sous un ciel bleu menthol qu’aucun nuage ne viendra contrarier. Il est tôt, l’asphalte brille encore de la rosée du matin et le monde s’éveille, sort hébété de sa torpeur hivernale. Sentir le fond de l’air, tiède et tendre caresse. Humer le parfum de l’herbe qui revient à la vie. Se laisser envahir par des envies toutes neuves. « je vais repeindre mon salon, acheter des légumes bio me coucher plus tôt et devenir une nouvelle femme, maîtresse de son destin. » des conneries comme ça, tu vois. Ton pas s’élance alors avec encore un peu plus de vigueur, gonflé à bloc d’une félicité qui le fait frémir d’impatience. Et marcher dans une merde.

Un dimanche soir parmi tant d’autres. Ton frigo crie famine et la faim te tenaille si grandement que tu serais capable de bouffer les croquettes du chat. Dieu merci, il te reste la force de rouler jusqu’au MacDrive le plus proche. Passer ta commande. Repartir dans la nuit. C’est là que commence ton plaisir minuscule ; La nationale est déserte, les étoiles scintillent et ton petit sac brun, sagement posé sur le siège passager, s’applique à exalter son parfum le plus alléchant. Arriver à la maison au moment même où l’hypoglycémie lance l’offensive. Prendre, envers et contre tout, le temps de s’installer bien comme il faut. (sur la table basse devant « Faites entrer l’accusé » quoi.) Et découvrir avec rage, que l’enculé de caissier du MacDrive t’a salement grugé, t’a refourgué une frite tronquée, une frite ridiculement petite, molle, la gueule méchamment chiffonnée, la gueule d’une frite en fin de vie.  Dès fois, y en a même qui pousse l’escroquerie encore plus loin en oubliant ta sauce barbecue et ça, c’est juste scandaleusement inadmissible.

Petite mais ô combien intense joie des draps tout juste changés. Ça sent bon, ça sent l’propre et alors que tu te glisses sous la couette moelleuse, un frisson de bien-être te rampe dans le dos. Quand j’étais petite, je m’imaginais que j’étais sur un bateau insubmersible au milieu de la tempête pour mieux me cacher au creux de la plume en poussant des petits cris de souris. Enfouir son visage dans l’oreiller, trouver la bonne position, tâter du pied le fond du lit, tout frais, bien lisse. Laisser le sommeil se poser sur tes cils innocents. Le meilleur moment selon ton mec pour lâcher une putain de caisse d’outre-tombe. J’hésite à mourir de désespoir ou d’asphyxie.

C’était la foule des grands samedi au Carrouf-market, des embouteillages de caddies, en veux-tu, en voilà, des gens qui se battent au rayon des surgelés pour le dernier sachet de frites McCain et des queues à la caisse bien plus impressionnantes que celle de Siffredi. Veni, vidi, vici et je m’en suis retournée à ma maison chargée comme un petit âne de Marrakech. Douce sensation de la corvée (presqu’) accomplie. Impatiente d’en finir au plus vite, je décide de réunir mes dernières forces et de monter tout ce bordel d’un coup. Je me scierai les mains, je me décrocherai les deux bras MAIS JE NE DESCENDRAI PAS UNE DEUXIEME FOIS. La meuf drôlement astucieuse donc. (Une grosse feignasse ouais ) L’équilibre est précaire va falloir aller vite, bloquer sa respiration, s’élancer, gravir les premières marches, et être violemment stoppée dans sa course folle par la languette du pack d’eau qui craque au milieu des escaliers. Et chaque samedi, elle me fait le coup cette pute.

Le sapin clignote, les pommes de pin claquent dans le poêle à bois, les lumières sont tamisées et chaleureuses, le chapon finit de dorer dans le four et ce soir là, on s’aime encore un peu plus fort que d’habitude. C’est LA MAGIE DE NOËL. Les gosses ont les yeux tout crottés d’étoiles pendant que les vieux se laissent engourdir par les bulles et les réminiscences de leurs noëls d’antan. On parle du froid qui pique et de neige qui ne saurait tarder à arriver et je me laisse engloutir, au fond du canapé, par ce si plein de cotonneuse douceur. Il est temps de passer à table. Se retrouver assise à côté de ta vieille tante qui pue très sévèrement de la gueule. Ta vieille tante qui a une charogne morte depuis 3 ans au fond du gosier. Et ta magie de noël qui crève d’un AVC.

La dernière gorgée de vodka, t’as fini la bouteille et tu seras mariée avant la fin de l’année ! Si ÇA ne s’arrose pas ! Allez hop, énième tournée générale et que la fête soit folle ! T’as du vomi plein les godasses, t’as perdu ton soutif dans les banquettes (ce salaud compressait un peu trop ton immense et soudain bonheur, tu t’en es donc débarrassé discrètos.) t’as le brushing qui file un mauvais coton mais bordel de merde, TU SERAS MARIÉE AVANT LA FIN DE L’ANNÉE !! Faisons la chenille pour bien marquer le coup tiens. Et rebuvons un verre ! Excédé par vos hurlements hystériques à toi et tes copines, le portier a fini par vous foutre dehors mais ça t’fait rien du tout, qu’une belle jambe ! Et vous continuez à danser sur le trottoir, à chanter sous la pluie, à vous rouler dans le caniveau. Puis tu te souviens subitement que tu travailles demain. Enfin « demain » dans 1 heure et demie quoi.

 

L’idée de la caisse lâchée dans les draps propres a été honteusement volée à Jean Cassette qui sévit sur Twitter (@JeanCassette) Ce garçon est à suivre sans vergogne, il est extrêmement drôle.

 

4 commentaires

  1. Pour les courses, au cas où tu arrives quand même à monter le pack d’eau jusque chez toi et à le poser sans encombre sur la table de la cuisine avec le reste des denrées, y a ce moment où tu t’aperçois que t’as oublié le gruyère râpé, ou tout autre ingrédient que justement tu prévoyais d’utiliser dans les trois prochaines heures. Et ces larmes irrépressibles qui montent aux yeux…

  2. Il y a aussi le grand bonheur de se laver les cheveux un dimanche matin…..
    ….De les sentir, alors, souples et doux entre tes doigts, brillants de santé et exaltant un délicat parfum…pour finalement découvrir que c’est vent matin….

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