La croisière en Atlantide

La croisière sur l’Atlantide s’amuse

 

 

Aucun de mes amoureux ne pouvant partir en vacances avec moi cette année, je décide à la dernière minute de partir seule une semaine à la mer.

 

Jour 3 : Les jours 1 et 2 sont consacrés à compter les grains de sables de la plage. C’est lassant. Il est 14h00 ce jour 3, je suis chez moi et je feuillette un dépliant sur une promenade dans des calanques à bord d’un bateau, l’Atlantide. Il y a une sortie par jour en mer, d’une durée plus ou moins longue selon le nombre de calanques que l’on visite. Aujourd’hui c’est la promenade la plus longue : quatre heures. Sachant que j’ai un mal de mer de magnitude 9 sur l’échelle de Richter, je me dis que c’est un bon challenge. J’appelle pour savoir s’il reste de la place et c’est une voix d’homme, agréable et chaleureuse, qui me répond. Bon feeling. Il reste de la place. C’est parti !

 

J’arrive à l’embarcadère, un Captain Beau Gosse bien sympathique vend les billets. Une légère appréhension me gagne, encourageant une ultime question :

–       Vous savez si ça tangue beaucoup aujourd’hui ? Je suis très malade en bateau.

–       Ah c’est vous qui venez d’appeler ? Aujourd’hui c’est le calme plat ! Il y aura peut-être un petit passage un peu houleux d’environ 20 minutes à la moitié du trajet, mais sinon ça ira.

–       Bon parfait. Et puis au pire si je suis malade, je suis malade, hein !

–       Si vous êtes malade, vous viendrez faire un tour dans ma cabine de pilotage…

*Clin d’œil entendu*

Il n’en fallait pas plus pour achever de me convaincre. Je règle mon ticket et je monte à bord. Je repère les lieux et la cabine de Captain Beau Gosse, et je me poste à proximité.

 

Le bateau manœuvre et quitte le port. Environ trente secondes plus tard, le sort, la providence, le karma, ce que vous voulez, après m’avoir autorisé une rencontre agréable, se met à faire tanguer l’Atlantide. Le Captain m’aurait-t-il mené en bateau ? Je ne me sens pas bien du tout et je commence à pâlir. Captain Beau Gosse m’observe depuis sont poste de pilotage et me demande d’un signe comment je me sens. Je lui réponds avec la main que ça va très moyen. Il demande donc à l’un de ses trois moussaillons de me faire venir dans sa cabine, tel un empereur asiatique faisant appeler sa favorite pour passer un peu de bon temps. Je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée, le mieux dans ses circonstances étant encore d’humer l’air à pleins poumons, mais je viens de gagner mon titre de Miss Captain Beau Gosse, je dois donc le garder. Et avec dignité si possible.

 

On discute très peu, puisqu’il commente le littoral au micro : « Des ‘’petits sacs’’ sont à votre disposition auprès des membres d’équipage. » Il insiste sur le fait qu’il faut anticiper si l’on se sent nauséeux. Il a beau s’adresser aux passagers via les haut-parleurs, j’ai le sentiment que la remarque m’est directement destinée.

 

Je commence à trouver ce Captain Beau Gosse terriblement charmant, la mer particulièrement agitée, et donc la situation excessivement injuste. Je continue de blêmir, je serre les dents, je tente de sourire au Captain. Je ne ferai pas illusion très longtemps. N’y tenant plus, je me décide à sortir pour prendre l’air et le remercie pour son accueil. Dès que je suis dehors, je me sens déjà mieux. Au même instant nous arrivons dans une zone beaucoup plus calme. Les deux facteurs combinés font que je n’y penserai plus jusqu’à la fin de la balade, et pourrai consacrer mon esprit tout entier à une stratégie pour attraper Captain Beau Gosse dans mes filets. Le trajet se déroule sereinement. Je retourne une ou deux fois passer une tête dans le poste de pilotage du Captain, boire une gorgée d’eau, manger une Paille d’Or. Il m’avait proposé d’y laisser mes affaires, of course, pour ne pas m’encombrer. Il me demande comment je vais et me confirme que j’ai repris toutes mes couleurs. Je n’ose pas aller me réinstaller avec lui, même si j’en meurs d’envie, car je ne veux pas le déranger. Et puis en fait non, je décide que c’est la phase 1 de mon plan diabolique : créer le manque.

 

L’apéro est le fil conducteur des commentaires de la balade, autant dire que j’attends celui de ce soir avec impatience. J’espère secrètement qu’il se déroulera en compagnie de Captain Beau Gosse. La visite se passe, le retour se fait loin des côtes, le soleil aveuglant a laissé place à une lumière beaucoup plus chaude, la somnolence gagne les passagers, je sens que le périple touche à sa fin, et qu’il ne va rien se passer. Je le regrette, et puis finalement c’est peut-être mieux ainsi. Pourquoi ? Je n’en ai aucune idée, mais ça me rassure de le penser.

 

Je le salue rapidement, je fais semblant de filer mais je reste dans le secteur. Le Captain et ses trois moussaillons terminent de nettoyer le bateau au tuyau d’arrosage. Vision délicieuse. Malgré tout, je ne ferai rien. C’est la phase 2 : créer l’envie.

 

L’heure de l’apéro tant attendu arrive. Je boirai ce verre de rosé, seule sur le port, les yeux dans l’eau. Mon rêve était trop beau – Roch Voisine, si tu me lis, je comprends enfin le sens profond de tes paroles. – J’espère une apparition de Captain Beau Gosse. Rien. Mon plan fonctionne à merveille : il est sûrement en train de m’attendre dans un autre bar de la ville.

 

Jour 4 :

Je suis un peu déçue ce matin, il ne me reste qu’à aller me frotter (au sens figuré) aux maîtres nageurs sauveteurs de la plage. Je descends de chez moi, et là, je remarque que la boutique située juste en face de la porte d’entrée de mon immeuble n’est autre qu’un point de vente de billets pour des balades sur l’Atlantide. Je prends cela comme un joli signe du destin, et je décide de reprendre mon plan là où je l’avais laissé la veille. Je me dirige vers l’Atlantide. Pas de Captain Beau Gosse. Je vérifie l’horaire de retour du bateau. J’y passe le soir. Pas de Captain Beau Gosse. Lui aussi est certainement en train de jouer avec moi, je dois donc persévérer et ne pas le décevoir !

 

Jour 5 :

Mal réveillée, je pousse la lourde porte en bois de mon immeuble, et je tombe nez à nez avec lui. Je le savais ! Réveil visuel intense. J’exécute une petite danse de la joie, intérieurement. Il est au téléphone, devant sa boutique. Je lui fais un immense sourire. Il me reconnait et son visage s’illumine. Je le frôle quasiment en roulant les hanches, en mettant en valeur tout ce qu’il y a à mettre en valeur. Je passe ma main dans mes cheveux, mets mes lunettes de soleil et m’éloigne. Imparable. Je reviens plus tard pour entamer la conversation. Sur les vacances, sur la houle, sur le fait d’être malade en bateau. Je suis la classe incarnée des sujets de conversation. Tout se déroule comme prévu. Phase 3 : je crée le désir.

 

Jour 6 :

Captain Beau Gosse sait maintenant où j’habite. Tout est sous contrôle, nos chemins se croiseront encore et encore à l’infini. Mais la fin de la journée arrive, et avec elle un doute terrible. Et si notre jolie histoire devait se terminer brutalement ? J’étais si occupée à créer le manque, l’envie, le désir, que j’en avais oublié de lui demander son nom et son numéro de téléphone.

 

Finalement pour cette dernière soirée, ce qui devait arriver arriva : je ne revis jamais Captain Beau Gosse. Comme ma stratégie était parfaitement huilée, je me demande quelles erreurs il a bien pu commettre. Je décide de lui pardonner ses maladresses, et je réserve déjà mon prochain séjour dans le même appartement. J’ai bien l’intention de lui laisser une chance de s’expliquer.

 

En attendant, la morale de cette histoire, beaucoup plus subtile qu’il n’y paraît, me tient particulièrement à cœur : le mal de mer c’est dans la tête.

 

Ce billet est une fiction. Toute ressemblance avec une personne existante prouverait que je suis totalement à côté de la plaque en matière de séduction.

 

2014-09-07 15.00.11

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