Fric-Frac

burglar_house

La porte a été forcée et ne peut plus fermer. J’entre chez moi et découvre l’étendu des dégats. Des visiteurs sont là qui se tournent vers moi. Surpris, eux aussi.

– C’est chez vous ?

Je confirme. J’ai encore du mal à parler.

– C’est votre voisine qui nous a prévenu. Elle a entendu du bruit, elle savait que vous étiez au travail. D’après elle, ça ne pouvait être que des voleurs.

Je regarde autour de moi.  je n’ai jamais vu mon appartement dans cet étât.

– Ce qu’on ne comprend pas, c’est pourquoi ils ont fait ça. Généralement, ils cherchent, ils renversent, ils trouvent ce qu’ils peuvent revendre et laissent le reste. Alors que là…

Alors que là, c’est incompréhensible. Même pour moi. Le policier me lance un regard lourd.

– Je devrais pas vous le dire. Mais c’est la première fois que ça nous arrive.

Je n’ose pas lui dire mais c’est la première fois pour moi aussi.

– En vous attendant, on a joué aux hypothèses. La porte fracturée ne laisse aucun doute. Ils sont entrés chez vous par effraction. Est-ce qu’ils cherchaient quelque chose en particulier, je ne sais pas…

– J’ai bien quelques objets de valeurs…

– En partant ce matin, c’était rangé chez vous ?

J’hausse les épaules, un peu mal à l’aise.

– C’était… disons… ben… comme d’hab’, quoi…

– Mouais…. ça nous arrange pas…

– Y avait un ordre. Rangé à ma manière.

Il me regarde avec cet air que je connais bien, celui de se dire « quel drôle d’oiseau »

– Ce qu’on suppose, c’est qu’ils ont fouillé. Ils ont bien trouvé des trucs.

Du pied, il me montre le butin. Pas grand chose. Des bricoles de famille, une vieille montre qui n’a jamais marché, des pièces anciennes, des vieux francs. Rien d’important.

– Voyez…

Je voye.

– Après, c’est moins clair. On a bien une théorie. Mais elle est… comment dire…

– Tirée par les cheveux ?

Il confirme, rassuré de voir que l’on parle le même langage.

– On pense, à ce stade, on n’est sûr de rien, mais on pense qu’ils se sont dit qu’il y avait plus. Ils ont continué à fouiller, à jeter l’inutile, à regarder dans tous les coins. Et c’est là que ça devient intéressant.

Je suis tout ouïe.

– Je sais pas comment c’est chez vous d’habitude. Mais imaginons que ce soit pas super en ordre…

– Non mais c’est organisé, selon…

– Imaginons, je dis, que les gars se sont excités tout seul. Ils ont balancé ce qu’ils trouvaient. Et là, ils n’ont plus rien trouvé. ça parait étonnant, non ?

Vu l’état du désordre habituel, je peux comprendre que pour quelqu’un qui découvre mon rangement, cela fasse l’effet d’une jungle.

– On pourrait dire qu’ils ont bêtement enseveli le butin.

C’est assez logique. Moi-même, je perds parfois des objets. Et c’est toujours une vraie fête quand je les retrouve.

– Et là, ils ont paniqué.

C’est un peu bête. A leur place, j’aurais simplement attendu. C’est toujours comme ça que je fais. En même temps, j’habite sur place. Pas eux.

– Ils ont re-retourné l’appart. Et ça n’a rien donné.

– Ben non, ça, la panique, ça aide pas…

Il me dévisage à nouveau. Je suis définitivement un ovni pour lui. Pour éviter le débat, je conclue, philosophe :

– M’enfin, ce que j’en dis…

– Ils ont re-retourné l’appart’, donc. Et devant le manque de résultat, il ne leur restait qu’une solution.

Une solution qui s’affiche clairement sous nos yeux.

– Ils ont rangé. Ils ont mis ensemble ce qui devait être ensemble, réuni les factures, regroupé les stylos, ramassé ce qui trainait, fait une pile avec les vêtements….

– C’est assez choquant…

– Le problème, c’est que nous sommes arrivés trop vite. Ils étaient à deux doigts de retrouver ce qu’ils allaient voler. Mais à force de tout bouger, c’était tombé sous le fauteuil.

Rien que d’y penser, je retrouve le sourire.

– Cla-ssi-que ! A chaque fois, ça m’arrive. Une vraie caverne d’Ali…

Un coup d’oeil au policier qui ne me sourit pas. Je ferme la bouche. C’est lui le maître. Moi, je ne fais plus qu’écouter.

– Bref, plus de peur que de mal. Sans compter qu’ils ont presque fait votre ménage.

– Mouais, enfin, ils auraient pu passer l’aspirateur.

ça m’a échappé. Je n’ai jamais pu m’empêcher.

– Vous savez maintenant ce qu’il vous reste à faire….

Lui et son équipier me laissent seul devant ce chaos organisé. Ne reste plus qu’à porter plainte.

En attendant, je cherche l’aspirateur. Et c’est là que je comprends ce qu’il voulait dire. Ils sont arrivés trop vite. Et dans la panique, mes voleurs ont pris l’aspirateur.

Je soupire enfin et me dit que même en bordel, on n’est vraiment plus en sécurité.

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