le 8 décembre

 

le 8 décembre.
le 8 décembre.

Puis il y a ce jour. Le 8 décembre. Le jour où tout a commencé. Comme si jusque-là un poids énorme appuyait sur un ressort sans bouger et que le 8 décembre l’avait fait sauter.
Le 8 décembre je me lève de bonne heure. Je m’habille. J’enfile un slip. Des chaussettes. Un bloudgine. Et un tisheurt gris avec l’inscription Sex Pistols écrit en rouge sang.
Le 8 décembre, le ciel est peint en bleu au-delà des branches des arbres. Des pastilles de soleil éclaboussent le paysage. C’est le jour parfait pour changer de vie.
Dans la chambre d’à côté on entend ronfler mon frère.
J’ouvre la porte de sa piaule avec une délicatesse infinie et je marche sur la pointe des pieds because une surprise attend le frérot. Je me place au-dessus de lui et je me penche jusqu’à ce que mes lèvres touchent sa peau. Un gros bisou claque sur son oreille. Retentissant. Le 8 décembre, mon frère se réveille en sursaut et fait mine de me poursuivre pour me frapper. Je me prends par la main et m’emmène promener promptement à l’extérieur. Dehors il fait froid. Ça caille. La plus grande froideur que j’ai jamais vue. Le froid m’enveloppe et me colle à la peau comme un vêtement mouillé. De nombreuses feuilles mortes aplanissent la surface terrestre. La terre encore humide dégage une odeur particulière qui me cause une profonde tristesse.

Par la grande fenêtre, j’aperçois l’ombre dansante de mon frère qui grossit ou s’amenuise au gré de ses recherches envers mon endroit. C’est dingue comme mon frère est maigre, la fenêtre serait une meurtrière que je le verrais toujours en entier.
Je rentre at home comme disent les biologistes de la molécule.
Tu es tellement maigre que quand tu marches on dirait que tu joues aux osselets, punchliné-je dans ses dents. Il me demande expressément de la fermer.

Un peu échaudé façon miaou-miaou par tant d’intolérance, je lui démontre para+baie que le froid est dangereux pour les greums. Tu sais, une baisse de température entraîne des influx vers l’hypothalamus qui agit sur le débit sanguin et le tissu adipeux, que je l’avertis l’index pointé vers le plafond telle une antenne captant les mauvais esprits. Mais dans ton cas, ma brindille, le message se perd dans les méandres des connectivités.
Il me redemande gentiment de la fermer. J’obéis et allume la tévé. Une émission aussi sympathique qu’une épidémie de grippe aviaire commence. Le présentateur s’insurge je sais pas pourquoi. Il dit qu’il a jamais de migraine et qu’il fait toujours très bon vivre dans son citron. Je suppose que son hypothalamus est complètement climatisé.
J’ai énormément d’esprit je trouve. Pas du meilleur effet mais assez efficace quand même. J’en fais part à mon frère. Il me redit de la refermer.

Et tu sais ce qu’il se dit le gars moi-même, l’homme à qui je porte tant d’estime? Que mon frère intransige un max envers moi ce 8 décembre.

Mon haussement d’épaules, pour boudeur qu’il soit, ne calme pas pour autant le ras-le-bol du frérot. Et pendant que le présentateur tévé récite un beau chapitre de puériculture à base d’arheu sur image, je me tais afin de cicatriser mes pensées.
Je pousse ensuite un cri libérateur. D’un coup. Essentiellement à base de voyelles taaaaaaaamèèèèèère. Si la parole est le propre de l’homme, le cri est le propre du monde vivant, je crois.
Tu es toujours le même, observe mon frère avec une pertinence si brillante qu’elle pourrait devenir l’or du commun. Je lui en fais part et attends qu’il me dise de la fermer.
Au lieu de quoi les yeux de mon frère s’interloquent. C’est le moment de lui exposer mon énième nouveau projet de changement de vie. Faut que je te parle sérieusement. Comme un magicien, le frérot sort de la poche kangourou de son slip une paire de lunettes. La poche à paires, qu’on l’appelle. Perdant quatre-vingt pour cent de son sex-à-poil, il pose ses binocles en équilibre sur son nez afin d’augmenter la clarté qu’il a de mon image. C’est la moindre des choses, pensé-je, la modestie à fleur de peau.
Puis je me lance. Il m’écoute avec attention. Sans m’interrompre.

C’est une excellente idée, qu’il synthétise après avoir pesé la thèse et l’antithèse dans sa petite tête de binoclard.
L’avis de mon frère est primordial pour moi. Ainsi soit-il. Amen.

Alors ce que je ressens à ce moment, des spermatozoïdes plongés dans l’azote liquide pour pouvoir servir un de ces quatre doivent l’éprouver. Je suis saisi. Un frisson vivifiant me parcourt depuis l’extrémité du cheveu jusqu’au poil occulte qui me pousse en bas du dos. Dorénavant à partir du 8 décembre c’est décidé, j’écrirai.

4 commentaires

  1. Moi je dis que j’ai une préférence pour « je t’aime » mais je ne néglige pas le 8 décembre. C’était une bonne décision, c’est décidé, d’écrire…

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